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Chez Muriel De Peñaranda, Ferme de Wahenge
Rue de Wahenge 43
La Bruyère
Pierre Lefebvre
Il y a chez Pierre Lefebvre une sensibilité pour les choses les plus triviales et pratiques — ce qu’il y aurait de plus absurde dans ce qui constitue pourtant les normes d’existence les plus communes et balisées. L’ordre des choses, avec tout ce qu’il contient d’aberrations, d’injustices et de rapports de forces, est paradoxalement ce qui se présente à nous comme allant parfaitement de soi, évident au point d’être impensable. Pierre Lefebvre peint et collectionne des images qui fonctionnent un peu comme les décors d’arrière-scène de la vie sociale. Panoramas tragi-comiques libérés des acteurs qui habituellement les animent, au point d’en incarner les prétentions, l’inanité ou la bêtise. Pour autant, le point de vue n’est jamais cynique et surplombant, comme faussement affranchi des clôtures structurant la quotidienneté de l’existence et ses horizons pratiques. Tableaux et dessins ne constituent pas un catalogue de clins d’œil flattant nos dispositions critiques, pas plus qu’ils ne participent d’un effet de thèse. Si Pierre Lefebvre use de narrations et d’anecdotes, c’est pour mener le regard au seuil d’une dimension plus conceptuelle, mélancolique et poétique. Se suggère alors un espace social consubstantiel aux rêves et aux désirs, plus ou moins grands, contrariés ou déçus, de celles et ceux qui s’y accordent. Le sel et le sol de l’existence, à l’échelle des villes, des kermesses ou des trottoirs. À hauteur de toutes les promesses qu’on peut vaillamment s’y faire, en dépit de l’étroitesse de la scène et de l’artificialité du récit.
Benoit Dusart